Dans le cadre d’un road trip qui relie la Dream City, Tanger à Chefchaouen, Akchour puis Mdiq, nous avons sillonné les routes pour découvrir les trésors cachés ou dévoilés de notre pays. Nous avons rencontré des personnalités locales, nous avons visité des musées, nous avons déniché de belles adresses et partagé de belles assiettes. De ville en ville, carnet de voyage.
Tanger rayonne, Tanger passionne
Idéalement nichée dans le détroit de Gibraltar, Tanger est déjà sous l’Antiquité un important comptoir de commerce. Sa position enviable entre l’Afrique et l’Europe a, depuis toujours, attiré les convoitises des plus grandes civilisations qui s’y sont succédées. Au-delà de ses références mythologiques qui remontent à Noé et Hercule, Tanger est alternativement Phénicienne vers le 10ème siècle. avant J.C, carthaginoise, romaine, capitale de la Mauritanie Tingitane en l’an 42, arabo-musulmane en 683, portugaise de 1471 à 1661, espagnole jusqu’en 1643 et anglaise de 1662 à 1684. Libérée par le sultan Moulay Ismaïl en 1684, elle devient en 1777, sous Sidi Mohammed Ben Abdellah, capitale diplomatique de l’empire chérifien. De 1923 à 1956, elle affiche un statut international avant d’intégrer, en 1960, le Maroc Indépendant. Pour mieux plonger dans son incroyable histoire, nous avons rendu visite à Rachid Taferssiti. Fièrement Tangérois, cet ancien banquier a consacré dix ans de sa vie pour nous offrir deux ouvrages qui relatent les réalités d’un mythe… qui résiste. Face à son livre soigneusement écrit et illustré, l’auteur nous confie : « Je ne comprends toujours pas comment j’ai pu écrire tout ça. Je n’avais aucun moyen pour le faire. Je ne suis pas historien, je suis Tangérois comme tous les autres. C’est ma passion, rien d’autre ». Une passion, certes, mais surtout l’expression d’un « nostangique » passionné par l’identité de sa ville et par son patrimoine.
Décadence et renaissance
Mais remontons le temps. à partir des années 70, une anarchie urbanistique commença à s’installer, masquant peu à peu l’identité et la beauté de la perle du Nord. Elle devient alors le fief des candidats à l’immigration clandestine. Ses nombreuses usines appellent à l’exode rurale et pour compléter le tableau, une frénésie immobilière s’empare de la ville, rayant peu à peu son cachet unique et historique. « Grâce au Roi Mohammed VI, Tanger est sortie de sa léthargie », souligne Rachid Taferssiti… et tous les Tangérois, d’ailleurs. En effet, en 1999, et juste après son intronisation, Tanger accueillait officiellement son Souverain. Cette visite allait tout changer. Du Président Mauritanien Ould Sidi Ahmed Taya à l’Emir du Bahraïn, du Roi d’Espagne Juan Carlos au Président français François Hollande, Tanger retrouvait son aura de capitale diplomatique. Dès le début des années 2000, Tanger est devenue l’arène d’un développement extraordinaire ; projets économiques de taille, réhabilitation du patrimoine culturel, embellissement de la ville, développement du port, réaménagement de la marina mais aussi, une ligne ferroviaire qui relie Casablanca à la nouvelle métropole, en deux heures de temps seulement !
Un jardin entre ciel et mer
Ce qui, hier encore, était la promesse faite par une petite fille de 5 ans à son papa, devient aujourd’hui la réalité d’un magnifique jardin sur mer. Situé sur les hauteurs du parc Donabo, on se laisse facilement perdre dans ce nouvel espace qui, désormais, offre à Tanger, la plus belle des vues sur le détroit de Gibraltar. « Je me promenais dans cette forêt avec mon père quand on s’est arrêtés sur cette magnifique colline, malheureusement mal entretenue. Alors que papa me faisait découvrir certaines plantes en m’expliquant leurs vertus...», se souvient encore Lalla Malika, « il me confia que derrière ces arbres, se cachait une vue imprenable sur le détroit de Gibraltar. À la fin de cette promenade je lui demandai si cette parcelle pourrait un jour devenir un jardin ? Il me dit oui, bien sûr, tu peux en faire un jardin sur mer, mais ça sera difficile ». Dès lors, ce rêve se mit en place.
C’est donc pour moi une sensation exaltante d’écrire actuellement ce message tout en m’imprégnant de l’ambiance singulière de la ville, en surplombant sa baie à partir de la terrasse de l’hôtel et à quelques toits seulement de là où j’étais assis il y a 5 ans, faisant le deuil de mon père, essayant de trouver des réponses à des questions que je n’avais jamais eu le courage de me poser auparavant et espérant pouvoir donner un sens à tout cela. Ces mêmes réflexions qui allaient donner vie à mon premier album «Windows in the Sky». Comme si la magie de la ville avait opéré, Alex ajoute : « Si certains peuvent voir cette nouvelle entreprise comme une façon de boucler la boucle, je vois cette aventure comme une opportunité fabuleuse d’offrir un véritable abri à tous ceux qui recherchent un endroit pour se reposer, pleurer, réinventer leur vie, concevoir ou redéfinir leur voyage personnel. Ceux qui souhaitent embrasser la vie, l’amour, l’amitié (…). Et qui sait, nous aurons peut-être le bonheur exaltant d’assister à une nouvelle génération d’écrivains, de peintres, de musiciens et de visionnaires qui peuvent être inspirés par la générosité de la ville et être touchés par les gens qui font de Tanger, l’un des endroits les plus magnifiquement uniques dans le monde. J’ai foi en l’entité humaine et culturelle de la ville, où tout le monde est quelqu’un, où chaque visiteur est invité à être un ami éternel, peu importe qui nous étions lorsque nous y avons posé les pieds. Peu importe qui nous devenons après notre passage en son sein. Tous transformés, ne serait-ce qu’un peu, par son essence fluide. C’est du moins ce qu’est Tanger pour moi, et pour tant d’autres aussi : une ville refuge intemporelle mais éternelle qui coule à son rythme… Libre (…). N’abandonnez pas… Tanger, qui a été tant de fois abandonnée par le passé, offre désormais un spectacle époustouflant à tous. Flamboyant et plus radieux que jamais». Dans son témoignage, Alex nous invite à nous découvrir, avancer, fouler ses pas et ses pensées. Car cette jolie demeure qui date des années 30 pourrait être un point de départ pour se connecter à l’esprit de la ville. Y puiser sa belle énergie, la découvrir et s’en imprégner dans la douceur d’un hôtel de luxe, où le luxe se traduit aussi par un temps pour soi et par la lumière qu’elle renvoie.
Chefchaouen, la ville vêtue de bleu
En direction des montagnes du Rif, dans le nord-ouest du pays, l’immersion dans un monde repeint en bleu tiendra toutes ses promesses. A première vue, Chefchaouen offre aux voyageurs un spectacle à la fois fascinant et inattendu. Située à 600 mètres d’altitude, au creux des monts Kelaa et Meggou, Chefchaouen tire son nom du mot amazigh rifain Achawen, qui signifie «cornes». Muse pour les photographes, joyau pour les aventuriers et livre ouvert pour les passionnés d’histoire, l’atmosphère y est apaisante. Contre toute attente, vous découvrirez toutes les richesses de ce paradis bleu ; une ville différente de tout ce que l’on a pour habitude de voir. Fondée en 1471 par Moulay Ali Ben Rachid et transformée en forteresse pour protéger les invasions portugaises du nord du Maroc, Chefchaouen était située dans une enclave inaccessible, abritée par les montagnes fertiles, desquelles coulaient de nombreuses sources d’eau. Au cours des 15è et 17è siècles, la ville a accueilli les Maures et Juifs sépharades qui fuyaient l’Espagne. Depuis, interdite aux chrétiens sous peine de mort, seuls Walter Harris Thomson, déguisé en habitant du Rif et Charles de Foucauld, en tenue de rabbin, réussirent à la visiter vers la fin du 19ème siècle. « Elle n’est que vie, richesse et fraîcheur» narrait- il. L’histoire raconte que ses célèbres nuances de bleus émanent donc de cette époque. En effet, il existe au sein des communautés juives, une tradition par laquelle, la couleur bleue représente le ciel, qui à son tour rappelle Dieu. Tandis que certains pensent que les premiers juifs de Chefchaouen ont introduit cette pratique dans le Mellah, d’autres racontent que la plupart des bâtiments de Chefchaouen étaient peints en bleu pour repousser les insectes. Une chose est sûre, il existe à ce sujet, autant d’histoires que de nuances de bleus. Aujourd’hui, dans les ruelles labyrinthiques de la médina, ce doux bleu à la chaux s’étale régulièrement sur les murs, couvre la pierre et glisse sous les pieds. Enveloppant et chaleureux, il dégage une impression de bien-être, comme si toute la ville était un spa… ou une toile signée Myriam Chaiib. La montée jusqu’au lavoir de Ras El Ma est récompensée par un formidable panorama sur l’ensemble du village. La place Outa-El-Hammam est animée par le va-et-vient des badauds et des conversations autour d’un café. Restaurée dans les règles de l’art, la Kasbah est entourée de remparts. Elle abrite un magnifique jardin et, depuis peu, un musée ethnologique qui retrace les us et coutumes de la ville. Datant de la même époque, Al Masjid El-Aadam est caractérisé par un minaret à la forme octogonale, inspiré par la Tour d’Or de Séville. A l’intérieur de son préau, se trouve une fontaine, une vaste salle de prière et une école coranique. C’est aussi dans ses murs que les oulémas portaient allégeance aux souverains alaouites et que les dahirs des sultans étaient lus.
La médina de Chefchaouen dispose de cinq portes, par lesquelles vos sens seront mis à l’épreuve. Vous serez submergés par les différentes odeurs aromatiques qui émanent des épices et du pain chaud, préparé dans les fours collectifs. Dans les bazars et petites boutiques, l’artisanat est au cœur de la vie des habitants. Primordial, l’art du tissage traditionnel est transmis de père en fils pour fabriquer des vêtements, bonnets, djellabas et tuniques en laine. La grande palette d’articles en cuirs et céramique contraste avec les reflets blancs et bleus des maisons. Des vendeurs ambulants longent les couloirs de la vieille ville, offrant aux passants un délicieux jus d’orange, pour 5 DH seulement. Vous l’aurez compris, le temps semble s’être arrêté dans cette jolie ville, dont les habitants vivent principalement de leur savoir-faire.
Arrivés à la ville, nous avons choisi de loger à Dar Jasmine. Située dans les hauteurs d’une colline, cette magnifique maison de charme offre une vue panoramique sur la cité. On se croirait face à une fresque surréaliste ! « Notre incroyable aventure est née du lien magique que mon mari et moi avons ressenti en découvrant, grâce à mon père, la magie de Chefchaouen. Nous avons décidé d’y avoir un petit pied à terre. Nous avons trouvé ce petit lopin de terre sur lequel nous avons commencé à construire notre maison. Suite à cela, nous nous sommes dit, plutôt que d’en profiter seuls, pourquoi ne pas en faire une maison d’hôtes et partager notre expérience avec plus de gens ?» nous révèle Yasmine Markouch, la propriétaire des lieux. En faisant des recherches sur Pinterest, elle tombe amoureuse du travail de Kai Interiors, une designer britannique qu’elle contacte aussitôt. « Je lui ai expliqué le projet, elle a pris le risque de venir et ensemble, nous avons beaucoup discuté avant de commencer à travailler à distance. Il y avait des choses sur lesquelles je devais évidemment trancher car, pour elle aussi, il s’agissait d’une nouvelle expérience », ajoute-t-elle.
Akchour, le paradis retrouvé
A une trentaine de kilomètres de Chefchaouen et un peu moins d’une petite heure de route, se trouve la vallée d’Akchour. Un des plus beaux sites naturels du pays. Le parc national de Talassemtane attire chaque année, un grand nombre de visiteurs. Ses montagnes majestueuses, ses rivières d’eau cristalline qui coulent en petites cascades et le gazouillis des oiseaux dans sa forêt verdoyante semblent tout droit sortir d’un conte de fées. En traversant ses petits ponts improvisés, en déambulant le long de ses rochers et souches d’arbres enveloppées de mousse verte, on se croirait dans le monde des elfes, décrit par Tolkien dans le Seigneur des Anneaux. « Nous sommes venus de Montréal pour découvrir cet endroit dont nous avions beaucoup entendu parler », nous ont confié Marianne et André, un couple canadien que nous avons croisé durant notre randonnée avec Othmane Ajlamat, notre guide natif d’Akchour.
Il exerce son métier avec passion bien que son rêve se situe de l’autre côté de l’océan. En attendant de le réaliser, il accompagne les aventuriers qui souhaitent découvrir les merveilles de sa région. Ce matin, comme tous les autres, Othmane se lève au rythme du soleil, enfile son sac à dos extensible et déambule la montagne en 7 minutes pour nous rejoindre à l’ermitage. Un écolodge qui mérite notre attention et sur lequel nous allons nous attarder un peu plus loin. Et s’il est une chose à ne pas négliger durant votre randonnée, quel que soit le circuit que vous comptez emprunter, c’est la présence d’un bon guide à vos côtés. Plus précisément, celui qui vous sera recommandé. Pourquoi ? Parce qu’il vous dira exactement où poser le pied quand la roche est glissante et parce que sa présence vous empêchera de vous perdre dans cette jungle épaisse et débridée. Car bien que la nature soit sublime, elle n’en demeure pas moins dangereuse si l’on entreprend de s’y aventurer seul.